L’ASTI Bordeaux a été créée au lendemain de mai 68 par des militants français. Ces derniers s’étaient rendu compte que les travailleurs immigrés étaient analphabètes et/ou ne maîtrisaient pas le français. Ils se devaient de répondre à ce besoin d’apprentissage du français tant écrit qu'oral.
L’ASTI est installée à St Michel depuis la fin des années soixante-dix et appartient à la FASTI (fédération des ASTI) créée en 1967. A l’origine, l’activité essentielle reposait avant tout sur les
cours d’alphabétisation et visait à permettre aux étrangers d’organiser leur vie quotidienne, de découvrir leur environnement social afin de pouvoir s’y impliquer davantage, et d’être en mesure
d’accéder et progresser dans leur travail.
Au début des années 1970 et jusqu’en 1974, prévalait la libre circulation des travailleurs immigrés entre le pays d’origine et le pays d’accueil. Mais dès 1974 en raison de la crise économique et avec la déclaration de fermeture des frontières, la législation s’est durcie au travers d’une loi sur l’entrée et le séjour des étrangers qui a représenté une sérieuse entrave à la régularisation des immigrés présents sur le territoire français. C’est aussi à partir de cette date que l’ASTI a instauré le service des permanences juridiques, dans le but initial d’informer les usagers des nouvelles lois et de tenter de régler les multiples conflits avec les employeurs (absence de respect de la réglementation sur les salaires, les horaires...).
La fin des années 1970 et le début des années 1980 voient se développer l’expression des femmes et des jeunes issus de l’immigration, l’augmentation du nombres d’étrangers venant rejoindre leur famille en France (regroupement familial), et l’abandon de l’idée de « retour au pays » même s’il reste toujours présent dans les têtes. Ces années voient aussi la mise en place d’un dispositif de lutte contre l’immigration clandestine.
L’arrivée de la gauche au pouvoir qui fait espérer une amélioration de la situation des immigrés et qui donne des moyens matériels aux associations, permet une plus grande efficacité du travail. Ainsi émerge la volonté d’œuvrer pour que la société française soit interculturelle. Pour cela les ASTI revendiquent la carte unique de résident de dix ans, la reconnaissance du droit d’association pour les étrangers, le droit de vote et d’éligibilité et le maintien des jeunes nés ou ayant accompli leur scolarité en France sur le territoire.
La gauche accordera assez rapidement le droit d’association (1981) et la carte unique de dix ans. Elle définira des catégories de « pleins droits », c’est à dire
des personnes qui sont protégées par la loi et ne peuvent être éloignées du territoire. Elle instaurera aussi une politique d’aide pour les enfants étrangers en difficulté scolaire.
Depuis lors de multiples réformes de la réglementation expriment la volonté politique de maîtriser les flux migratoires et de lutter contre l’immigration clandestine. Ces objectifs constamment réaffirmés au niveau national et européen mais impossible à réaliser se traduisent par des modifications nombreuses toujours plus répressives comme en 2003 lors de la codification du droit des étrangers dans le CESEDA, en 2011, et récemment en 2016.
La situation des étrangers est précarisée par la quasi disparition des titres de séjour de 10 ans permettant une réelle installation et intégration dans la société française et par l'absence de perspectives de régularisation même en cas de présence en France depuis plus de dix ans. Cette précarisation s'accompagne d'une place de plus en plus grande donnée au pouvoir d'appréciation du préfet.
Face à ces politiques, l’ASTI a développé des revendications portant sur le principe de la liberté de circulation et d’installation, le retour à la carte de résident de 10 ans, et le droit de vote aux élections locales, objet de toutes les promesses non tenues.
Les permanences juridiques et administratives d’une part, les cours de français d’autre part ont pour but de permettre aux étrangers d’acquérir une réelle capacité d’autonomie au sein de la société française et de favoriser leur accès à une citoyenneté.
1980 : en mars à l’ASTI Bordeaux, une grève de la faim de travailleurs Turcs et Tunisiens pour obtenir des papiers éclate. Cette grève n’est pas isolée, d’autres éclateront dans d'autres villes. Du fait de son implication dans cette grève, l’ASTI a désinvesti les permanences qu’elle tenait. Certains militants ont quitté l’association car ils ne soutenaient pas la grève. Cependant de nouveaux militants (étudiants et autres bénévoles) ont rejoint l’Asti et les cours de français ont pu reprendre. Différentes manifestations culturelles se sont ajoutées, notamment la création d’une fête annuelle au mois de juin à St Michel nommée « Musique en couleurs ».
1983 : « Marche des Beurs ». Marche partant de Marseille pour rejoindre Paris qui avait pour objectif de revendiquer l’égalité des droits. Arrivés à Paris, les militants marcheurs se sont entretenus avec François Mitterrand. Entretien duquel a découlé la mise en place de la carte de séjour unique de dix ans, identique à la carte d’identité française.
1984 : « Convergence ». Marche multi-ethnique (maghrébins, africains, portugais...) lancée des quatre coins de France. En ce qui concerne la ville de Bordeaux, un groupe de militants est parti de Cenon et un autre de Cestas. Tous deux avaient pour point de chute l’ASTI Bordeaux. C’est dans ce contexte qu’une autre ASTI a été créée à Pessac. A cette époque là, il y a eu mobilisation très forte pour le droit de vivre en famille face à une volonté du gouvernement de réduire les regroupements familiaux, puis de limiter les droits des étrangers.
1987 : Congrès de Nantes de la FASTI : très important car la motion d’orientation proposée aux votes des congressistes amène à discuter de l’évolution de la société française et de la place que les communautés issues de l’immigration y occupent. Ce débat est fondamental parce qu’il inscrit le mouvement dans un débat de société (et pas seulement dans la défense des droits des étrangers). Il fait le constat, qu’aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les étrangers qui sont victimes des dysfonctionnements de la société, mais c’est aussi les populations françaises les plus démunies qui deviennent exclues. Pour combattre toutes les exclusions qui se profilent, le mouvement propose une dynamique reposant sur la construction d’une nouvelle citoyenneté. Celle-ci permettra à chacun de participer à la transformation sociale, contribuera à l’élaboration et à la construction d’une autre société où chacun aura sa place sans se renier.
1991 : « grève de la faim » des Kurdes. Ces derniers, demandeurs d'asile déboutés, ont entamé dans les locaux du Noviciat à Bordeaux une grève de la faim très dure qui a duré 53 jours. Beaucoup de monde soutenait ce mouvement, notamment l’archevêché qui a joué un rôle considérable en sollicitant les médias afin qu'ils viennent filmer l’évacuation depuis l’intérieur. Cette mobilisation a eu des retentissements décisifs, puisque d’une part la France entière a pu voir les images des violences engendrées contre les militants et d’autre part elle a insufflé une grande manifestation à Paris qui avait pour but d'obtenir une négociation avec le ministère. Bordeaux a été la première ville où des personnes déboutées du droit d'asile ont fait la grève de la faim. Ensuite d’autres grèves de la faim ont débuté partout en France obligeant le gouvernement à régulariser les grévistes. Cette fois l’ASTI Bordeaux a réussi le pari de s’impliquer dans cette grève sans que celle-ci n’entache le fonctionnement des permanences. Et ce fut d’ailleurs pour elle une occasion de gagner de nouveaux militants.
1998 : Nouvelle grève de la faim déclenchée par des Turcs (en majorité des Kurdes), des Chiliens et des Bulgares sans papiers. Celle-ci s’est déroulée au local des Dominicains, à l’Eglise St Paul. Entre temps la droite est repassée au pouvoir et avec elle les lois sont devenues de plus en plus répressives. Les préfets recevaient des ordres de plus en plus stricts et cette grève a donc avorté au bout du quatre-vingt troisième jour se soldant par une évacuation forcée. Néanmoins, les grévistes ont été régularisés de manière quasi immédiate pour certains qui étaient déjà « régularisables » et plus tardivement pour d’autres.
2002 : Contestation turque. Le local du Noviciat a été à nouveau occupé par des sans papiers, qui ont entamé une grève de la faim. Ce mouvement contrairement aux précédents n’a pas été soutenu par l’ASTI. En effet, cette dernière était favorable à l’occupation du Noviciat mais était défavorable à la grève de la faim.
2008 : En mai création du collectif des travailleurs sans papiers suite à la loi du 20 novembre 2007 permettant aux préfets, à titre dérogatoire et discrétionnaire, de régulariser par le travail des personnes en situation irrégulière. Ce mouvement soutenu par de nombreuses associations a organisé plusieurs dépôts collectifs de dossiers de demande de régularisation, contactant les élus girondins, organisant des conférences de presse, des manifestations, et se réunissant régulièrement jusqu’en 2011 date à laquelle est prise la décision gouvernementale de mettre fin à l’immigration professionnelle. En raison des critères très restrictifs seuls 76 dossiers ont pu être présentés : à l’exception de l’un d’entre eux, tous ont abouti à la régulation.
2010 : En octobre 2010, constitution du groupe « Tem.pref » regroupant diverses associations suite au constat d’un durcissement de l’attitude de la préfecture aussi bien vis à vis de l’application du droit des étrangers que des conditions de leur accueil au guichet. Après avoir constaté que la préfecture restait sourde aux observations faites, et dans l’idée d’exercer une pression en rendant publiques les dysfonctionnements constatés, un rapport circonstancié comportant divers témoignages a été publié en mars 2012. Ce rapport qui pointe les pratiques préfectorales intolérables et avance des propositions répondant aux exigences d’un Etat de droit a fait l’objet d’un bon écho médiatique local et national.
2013 : début 2013, organisation d’un collectif d’association pour dénoncer la situation faite à certains mineurs étrangers isolés (MIE) et leur apporter un soutien dans leurs démarches. Plusieurs dénonciations dans la presse, diverses rencontres avec le Conseil Régional puis Départemental ont permis de faire avancer la situation de quelques jeunes majeurs qui avaient été exclus de toute prise en charge à l’arrivée à la majorité. Depuis 2015 le collectif s’alarme de l’arrivée de nouveaux mineurs isolés dont la prise en charge par le département n’est pas toujours satisfaisante et apparaît dans certains cas complètement défaillante: depuis fin 2016, des mineurs se retrouvent à la rue ou hébergés dans de mauvaises conditions et sans aucune prise en charge ; les services concernés sont débordés et le nombre de places insuffisantes. Face à ce constat le collectif multiplie les actions et les interventions dans la presse et auprès des politiques.