Centres de rétention administrative : quand l’enfermement à tout prix bafoue les droits humains

 

 

Les centres de rétention administrative : rétrospective nationale et actualité à Bordeaux

 

Les centres et les locaux de rétention administrative (CRA et LRA) permettent d’enfermer un·e étranger·ère dans l’attente de son expulsion, dès lors qu'une décision d'éloignement du territoire national a été prononcée à son encontre.

 

Alors que la France enfermait déjà des étranger·ères, les CRA sont légalisés en 1981 par la loi Questiaux. Ils sont alors contrôlés par la Police nationale et ne dépendent pas de l’administration pénitentiaire. Il existe actuellement 25 CRA, dont 4 en outre-mer, et une vingtaine de LRA (Rapport 2021 sur les CRA et LRA de la Cimade). Un CRA tout récent a vu le jour à Lyon, et les constructions de trois autres sont prévues prochainement à Bordeaux (140 places), à Olivet (90 places) et au Mesnil-Amelot (64 places).

 

Le CRA de Bordeaux a été construit en 2003, a fermé puis a rouvert en 2011. Il compte dans les plus petits CRA de France, avec une capacité d’accueil de 20 places pour des hommes. Dans une volonté étatique d’enfermer plus de personnes, un projet de construction a vu le jour dans le département de la Gironde pour y remédier. La construction d’un nouveau centre de rétention administratif de 140 places est prévue dans la commune de Mérignac, à quelques minutes de l’aéroport de Bordeaux.

 

Absence de pertinence juridique et sociale

 

Ces CRA et leurs projets de création font l’objet d’une vive réaction de nos milieux associatifs et militants depuis de longues années. En effet, les arguments ne manquent pas pour s’opposer à de tels lieux, dont la pertinence est facilement remise en question.

 

D’après la Cimade, association mandatée par l'État dans plusieurs départements pour intervenir juridiquement dans les CRA, près de 50 000 personnes sont enfermées chaque année - adultes et enfants. Or, le nombre d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) est minime par rapport au nombre de personnes enfermées. En 2019, 14 777 OQTF étaient exécutées, contre 7 376 en 2020 et 3 501 en 2021 (chiffres du Ministère de l'Intérieur). L’expulsion des personnes étrangères, principal objectif poursuivi, est donc loin d’être atteint.

 

Par ailleurs, l’enfermement a souvent des conséquences graves sur la santé psychique et physique des personnes retenues. La rétention est parfois à l’origine de dépression, de pensées suicidaires ou encore de l’interruption d’un traitement ou suivi médical. Pourtant, les personnes retenues dans les centres de rétention administrative bénéficient du droit fondamental à la protection de la santé. Ce droit est bien souvent bafoué, d’autant que la durée d’enfermement peut aller jusqu’à 3 mois et ces dernières années, cette durée est de plus en plus longue.

 

De plus, la privation de liberté est, dans notre société, assimilée à une mesure punitive. Cette mesure punitive prend sa forme dans l’institution carcérale, la prison, suite à la commission d’infractions prévues par le Code pénal. Or, l’état français enferme des personnes au regard de leur situation administrative, car elles sont jugées coupables de ne pas avoir les “bons papiers”. Les personnes retenues ne manquent pas de rappeler, dans un discours empreint d’incompréhension, au juge des libertés et de la détention, qu’elles ne sont pas des criminel·les.

 

Au-delà d’un choc psychologique lié à cet enfermement, les conditions de vie dans les CRA sont alarmantes et indignes.

 

            Des conditions de vie indignes : focus sur Bordeaux

 

Suite à la levée de l’interdiction des visites due à une épidémie de covid-19, nous avons pu visiter deux retenus au CRA de Bordeaux le 27 juillet 2022. Ils dénoncent et corroborent ces conditions de vie indignes.

 

Le CRA de Bordeaux se trouve dans le sous-sol du commissariat central. Il n’y a donc pas de lumière naturelle qui éclaire les lieux. Les locaux sont étroits et sales. Les retenus doivent nettoyer les pièces eux-mêmes, sans produits ménagers. De plus, les retenus sont quatre à partager leur chambre quand le CRA est au complet. Cela a été le cas récemment lors du cluster qui a touché le centre de rétention de Bordeaux, ne permettant pas le respect des gestes barrières.

 

Les retenus ont également souligné que la nourriture est souvent périmée. Si une personne se plaint de la date de péremption de la nourriture, celle-ci est jetée et le retenu repart le ventre vide. Beaucoup d’entre eux perdent du poids dû à une mauvaise alimentation. De plus, il n’est pas possible de ramener de la nourriture lors des visites, comme dans d’autres CRA de France. Cela dépend du bon-vouloir de la police, car il est possible dans d’autres Centres de donner de la nourriture aux détenu·es.

 

À souligner aussi les abus de pouvoir de la part de la police qui gère le CRA. Au matin, les policiers entrent dans les cellules à n’importe quelle heure, obligeant les retenus à se réveiller. À l’heure du repas, ils les pressent, ils doivent terminer de manger en 5-10 minutes maximum. Ils sont également brutaux (bousculades), intimidants et abusent de leur autorité.

 

Comme nous l’avons relevé plus haut, la santé des retenus n’est pas une priorité au sein du CRA. Un retenu témoigne que certains ont des troubles psychiatriques ou des maladies dont la prise en charge est inexistante ou inadaptée.

 

Des événements ont particulièrement marqué les deux retenus visités, notamment lorsqu’un homme annoncé séropositif a fait un malaise, et que devant l’inaction des policiers témoins de la scène, l’un deux a lui-même dû appeler les pompiers. Ou encore, lorsqu’ils nous racontent qu’ils ont été témoin de tentatives de suicide.

 

Positionnement de l’ASTI Bordeaux

 

Pour les raisons précédemment énoncées, l’ASTI Bordeaux se positionne pour la fermeture de tous les CRA et LRA et s'oppose fermement à la construction et l’ouverture de nouveaux lieux de ce type.

 

 

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